Les papillons de jour d’Île de France sont menacés
Une étude sur l'évolution des populations de papillons diurnes en Île-de-France a été réalisée sur une période de 20 ans de 1994 à 2014 et a établi une extraordinaire base de plus de 100 400 données. L'Île-de-France abrite encore 135 espèces de "papillons de jour", mais la liste rouge des espèces menacées qui a été dressée a de quoi inquiéter.
Les papillons, appelés par les scientifiques et les naturalistes lépidoptères, du grec lépi (écailles) et pteres (ailes) sont divisés en deux grandes familles : les Rhopalocères et les Zygènes.
En Île-de-France, on a recensé au cours des deux derniers siècles 7 familles de 119 espèces de Rhopalocères. Les espèces sont de taille très variable, allant de 2 centimètres d’envergure pour les plus petites (l’Argus frêle - Cupido-minimus et l’Azuré du thym - Pseudophilotes bâton), à quasiment 10 centimètres pour les plus grandes (le Machaon - Papilio machaon et le Grand sylvain - Limenitis populi).
Les Zygènes, ou Zygaenidae, sont des papillons plutôt petits, caractérisés par un vol relativement mou. Au repos, leurs ailes sont disposées en toit comme les papillons de nuit. Ils forment une famille à part entière, au sein de laquelle on distingue 2 sous-groupes : les Zygènes vertes ou Turquoises et les Zygènes rouges, qui comptent 16 espèces. De par leur coloration, les Turquoises sont plus discrètes et passent plus facilement inaperçues que les Zygènes rouges.
La présence d’un grand nombre d’espèces de papillons de jour est révélatrice d’un milieu riche et fonctionnel. Ainsi, ce groupe d’insectes est un fabuleux outil vivant, à disposition de tous, pour estimer la qualité de l’environnement et son évolution.
La liste rouge des espèces menacées fait office d’indicateur de référence pour apprécier l’état de la biodiversité à différentes échelles géographiques et temporelles. Elle permet de promouvoir les mesures nécessaires à la conservation et au maintien d’une diversité biologique riche ainsi qu'au bon fonctionnement des écosystèmes, témoins de l’état de santé de nos prairies, pelouses, landes et autres milieux ouverts.
Cette liste rouge régionale s’inscrit en outre en parfaite synergie avec l’adoption, le 20 juillet 2016, de la loi pour la reconquête de la biodiversité, de la nature et des paysages.
Durant les 10 dernières années, en Île-de-France, un quart environ des espèces répertoriées sont menacées à des degrés divers et 13 % ont déjà disparu. Plus globalement, la richesse spécifique moyenne a chuté de 8 % depuis 2005, tandis que l’abondance globale (toutes espèces confondues) est restée stable. Ces données permettent de comprendre l’influence de facteurs environnementaux et de pratiques (agriculture, gestion…) sur les papillons. Ainsi, dans les grandes cultures d’Île-de-France, la richesse spécifique moyenne a chuté de 18 % (donc deux fois plus que pour l’ensemble de la région, tous milieux confondus). Mais ce déclin cache des situations contrastées : lorsque les grandes cultures sont entourées de haies, il n’est que de 15 %, alors qu’il passe à 45 % en l’absence de haies. La situation est encore plus préoccupante dans les espaces verts urbains (publics ou privés) avec une chute de la richesse spécifique de plus de 30 %.
Les principales causes de cette dégradation sont essentiellement dues aux pratiques humaines. L'agriculture intensive sur des surfaces d'un seul tenant toujours plus grandes, l'utilisation de pesticides et d'insecticides à grande échelle, détruisent l'habitat, la nourriture, et le papillon. L'arrêt de l'activité pastorale a fait disparaitre les pâturages propices au développement des lépidoptères. L'artificialisation des sols a pour conséquence la destruction de l'écosystème nécessaire aux insectes. La fragmentation des espaces est un obstacle à une bonne divagation des espèces. L'utilisation excessive de pesticides par les jardiniers amateurs appauvrit la diversité des plantes dont ont besoin les papillons. Le changement climatique est aussi une cause de leur disparition, la hausse des températures a détruit les espèces dites de "faune froide" sans favoriser les autres.
Le papillon passe par des phases successives de développement : d'œuf il devient chenille puis forme une chrysalide d'où sort un imago qui est le stade ultime de son évolution.
Le papillon a besoin, pour un bon développement, de milieux variés qui tendent à se raréfier.
Les milieux ouverts sont caractérisés par une dominante herbacée avec un taux de recouvrement au sol de la végétation ligneuse (arbres, arbustes) inférieur à 25 %. Ce type de végétation permet aux rayons du soleil d’atteindre en partie ou largement le sol, entraînant une activation physiologique des papillons de jour. C’est pour cette raison que ces milieux sont particulièrement importants pour ces insectes.
Les prairies et pelouses semi-naturelles sont des espaces dégagés caractérisés par une végétation basse où poussent graminées et herbacées. L’évolution naturelle de ces espaces (vers un milieu ferme et composé de ligneux) est limitée voire stoppée par le pâturage, la fauche ou encore par le passage récurrent (piétinement, passage de véhicules…). Cette catégorie regroupe une diversité de milieux selon la nature des sols et leur exposition. On parlera par exemple de pelouses calcicoles sèches ou de prairies marécageuses. Ces prairies et pelouses semi-naturelles abritent, en Île-de-France, la plus grande diversité de papillons de jour.
Les landes et broussailles : il s’agit d’espaces couverts de végétaux ligneux qui différent selon la nature des sols, mais qui restent peu élevés. Ils peuvent évoluer naturellement vers un milieu arboré plus fermé.
Les espaces contigus des milieux arborés (boisements et forêts) : ces milieux accueillent peu d’espèces de papillons de jour, mais, parmi eux, des espèces à fort intérêt patrimonial.
Les parcs, jardins, et friches urbaines : ce sont pour la plupart de petites superficies contigües à l’habitat de l’Homme et aux infrastructures liées à son activité et qui accueillent toute une diversité de plantes indigènes et exotiques. Les fleurs offrent une ressource en nectar favorable à un cortège d’espèces devenues anthropophiles. En Île-de-France plus qu’ailleurs, ces jardins représentent une superficie cumulée importante, se sont les cœurs d'îlots qu'ENDEMA93 s'efforce de préserver dans les PLU. Ils permettent à la faune et la flore de se maintenir dans le tissu urbain, malgré une utilisation encore forte de produits phytosanitaires.
Les enjeux de conservation des papillons de jour résident dans le maintien de ces habitats dont la gestion doit satisfaire aux exigences écologiques des espèces les plus sensibles. Selon le stade de développement – chenille, chrysalide, imago – ces besoins peuvent être différents. Une gestion adaptée et planifiée doit favoriser une mosaïque d’habitats et de microbiotopes bénéfiques au plus grand nombre d’espèces.
L'entretien des pelouses sèches par la fauche ou le pâturage permet, en respectant quelques règles, de maintenir ces espaces. La mise en défens (exclos) d’habitats est parfois nécessaire pour limiter l’accès des troupeaux à certains moments de la saison. Le principe du pâturage tournant dynamique consiste à faire paître un troupeau avec un chargement important sur de faibles surfaces pendant une période très courte La fauche d’entretien à des fins conservatoires est réalisée de préférence à l’automne pour respecter le cycle biologique des espèces.
Pour les papillons forestiers, les actions de conservation portent principalement sur le maintien d’un réseau fonctionnel de clairières, layons, landes et prairies intra-forestières et la conservation et le développement des haies, des lisières forestières et des arbres isolés. Le développement des trames vertes, des continuités écologiques et des zones protégées : Zone Naturelle d’Intérêt Faunistique et Floristique (ZNIEFF), Espace Naturel Sensible (ENS)…, la protection des biotopes les plus fragiles, comme les pelouses calcaires et les milieux humides, sont essentiels pour leur offrir un environnement adapté.
Les biotopes indispensables à la survie des papillons sont présents dans les espaces ouverts des 7 communes du territoire d’ENDEMA93. Notre association se bat pour conserver ces espaces dans les sites menacés d’urbanisation que sont les anciennes carrières, les délaissés de l'ex A103, les terrains boisés, les cœurs d’îlot. C’est le sens de nos interventions dans le cadre de l’élaboration des Plans Locaux d’Urbanisme.
Notre association intervient auprès des collectivités locales et territoriales pour qu’elles mettent en place un entretien écologiquement responsable de ces lieux et qu’elles engagent des actions de sensibilisation auprès des personnels et de la population.
La présence de papillons nombreux et variés est un signe de bonne santé de notre environnement, agissons pour les protéger.